« Gorée, c’est la négation de l’humanité », déclare le Gabonais Pierre Akendengué après sa visite en 1997 de la petite l’île qui fait face à la capitale sénégalaise. A une poignée de kilomètres de Dakar, Gorée, longtemps centre de tri pour la traite triangulaire, inspire par sa sinistre histoire ce disque, le dix-huitième, sorti involontairement en 2006, en pleine polémique politique soulevée la phrase du président français Sarkozy sur les « aspects positifs de la colonisation ». Initiateur des musiques du monde dès 1976, bien avant l’apparition de cette étiquette, Akendengué avait écrit avant 2003 la plupart de ces chansons aux musiques délicates qui parlent d’esclavage, d’une soumission qui a pris aujourd’hui des formes plus subtiles.
« Avec l’instauration des parcs nationaux au Gabon où il faut des endroits inhabités, les pygmées sont obligés de sortir de la forêt pour regagner la savane. La traite continue, car on anesthésie les gens qui connaissent quelque chose », dit l’artiste signant un album aux influences pluriethniques sur des rythmes de guitares, basse, contrebasse, porté par le chœur d'une douzaine de chanteurs. Il rend ici un hommage sensible aux « bruits » de la forêt équatoriale, et par excellence au chant polyphonique pygmée quand il déclame : « Dites-moi que je vous dise/Les progrès de la bêtise/D’étranges étrangers chassent de la forêt/Les pharmaciens du Bon Dieu ». Ses compositions aux arrangements précis et soignés chantent finalement : « Non ne pleure plus ne pleure plus Gorée/Ton nom est désormais symbole de fierté ».
Par Bouziane Daoudi | akhaba.com