Quatuor composé de Jean-Pierre Marchetti, André Dominici, Jean-Philippe Guissani et Maxime Merlandi, Barbara Furtuna est tout simplement la formation polyphonique corse la plus excitante du moment ! Sorti en 2008, leur deuxième opus confirme un rapport particulier à la tradition : il s'agit de faire bouger les murs sans écrouler la maison. Leur dissidence ? Ne pas souscrire à la « rugosité de circonstance » largement instituée par plusieurs générations de polyphonistes. Chercher une autre piste sans tomber dans le maniérisme, sans rien perdre de la force très terrestre du chant corse. Barbara Furtuna gagne la partie en jouant la délicatesse et le raffinement au service du son parfait, de l'intonation juste sur fond de guitare, accordéon, violon.
Le disque s'ouvre de la meilleure des façons, sur le souvenir d'Anghjulina, magnifiquement écrit par Jean-Philippe Guissani, mis en musique par Maxime Merlandi. Ce chant dit le retour d'exil et la douceur des souvenirs qui défilent. Une monodie sur bourdon mobile s'avance seule, puis les trois autres voix la rejoignent et se mêlent dans une polyphonie évidente. La poésie mérite d'être citée ici, ne serait-ce qu'en partie : « Les images de son enfance lui reviennent/Tant de moments heureux à courir et jouer/Et les cheveux de la belle Anghjulina/Et ses yeux qui l'ont fait rêver/Sa vie retrouve enfin un sens/Au pied du grand escalier/Raide comme un dernier défi/Avant de retrouver la paix ».
Suivent deux chants sacrés : les très habités O Salutaris hostia et Maria le sette spade. Deux pièces que Barbara Furtuna transcende avec la sérénité qui fait sa signature. L'Innamurati, ode des amoureux qui « bâtissent un château dont l'entrée est connue d'eux seuls », nous ramènera plus loin au répertoire profane.
Parmi les instrumentistes invités sur quelques pistes, mention spéciale pour le violoniste Raphaël Pierre. Le timbre de son instrument semble lié d'un étrange cousinage à la voix d'André Dominici (bassu) dans la version apaisée de Lamentu chì ti cerca. La célèbre romance de Régina et Bruno est ici moins lyrique, mois écorchée. Et encore une fois, la signature du groupe fonctionne à vous donner le frisson. Faites comme nous, écoutez et réécoutez cet album, en attendant le prochain !
Par Mathieu Rosati | akhaba.com